Finances publiques locales : 15 recommandations

La Cour des comptes a rendu public le 14 octobre 2014, un rapport sur les finances publiques locales, pour la deuxième année consécutive. Fruit d'un travail commun de la Cour et des chambres régionales des comptes (sur la base de 136 contrôles de collectivités), ce rapport vise à analyser la situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que les enjeux qui s'y attachent. Les dépenses des administrations publiques locales représentent 21 % de la dépense publique et 9,5 % de la dette. Les collectivités territoriales ont ainsi vocation à prendre leur part des efforts de redressement des comptes publics entrepris dans le cadre des engagements européens de la France. En 2013, elles n'ont pas apporté la contribution attendue à la réduction des déficits publics. Les perspectives d'une plus grande maîtrise des finances publiques locales, attendue de la baisse des dotations de l'État à compter de 2014, sont incertaines.Les finances publiques locales ont évolué défavorablement en 2013La situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements s'est dégradée en 2013. Le solde des administrations publiques locales s'est creusé à 0,4 % du PIB, contribuant ainsi pour un tiers au retard pris dans la réduction des déficits publics.Leurs dépenses de fonctionnement ont progressé plus vite que leurs recettes. Malgré cela, elles ont globalement accru - à l'exception des départements - leurs dépenses d'investissement, au prix d'une augmentation de leur endettement.La baisse modeste (-0,6 %) des concours financiers de l'État en 2013 n'a donc pas freiné l'évolution des dépenses, du déficit et de la dette du secteur public local.En 2014, les dotations de l'État aux collectivités territoriales ont été réduites de 1,5 Md€, mais ses transferts financiers ont globalement augmenté de 0,3 %, compte tenu notamment de l'affectation de ressources fiscales nouvelles.L'effet d'une baisse accrue des dotations de l'État sur la maîtrise des dépenses locales est incertainPour la période 2016-2017, les dotations de l'État aux collectivités territoriales sont appelées à diminuer de 11 Md€, soit 3,67 Md€ par an, dans le cadre de la participation des collectivités territoriales aux 50 Md€ d'économies sur les dépenses publiques, prévues par le programme de stabilité. Il n'est cependant pas certain que cette diminution se traduise par une réduction d'un même montant des dépenses des collectivités territoriales. Le risque existe en effet que les collectivités choisissent plutôt d'augmenter le taux des impôts locaux (communes et intercommunalités, et départements dans une moindre mesure) ou d'obtenir de nouvelles ressources (régions ou départements).Comme déjà relevé par la Cour l'an dernier, l'un des enjeux majeurs de la maîtrise des finances publiques locales réside dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement et notamment de personnel. Or la masse salariale a continué de progresser en 2013 (+3,1 % après +3,5 % en 2012). Cette évolution découle notamment de la triple hausse des effectifs, des rémunérations indiciaires (sous l'effet des avancements d'échelon et de grade) et des régimes indemnitaires. Elle résulte également, mais pour une part minoritaire, de décisions de l'État qui échappent aux collectivités.En tout état de cause, une amélioration de la gouvernance des finances publiques locales paraît désormais nécessaire pour en assurer une meilleure maîtrise. La Cour recommande l'adoption par le Parlement d'une loi de financement des collectivités territoriales comprenant notamment des objectifs d'évolution des recettes, des dépenses et du solde budgétaire des collectivités territoriales.Le développement de la péréquation entre collectivités de même niveau est souhaitableLa baisse plus forte des dotations de l'État à compter de 2016 rend nécessaire de la répartir entre collectivités non pas seulement en fonction de leurs ressources totales (comme en 2014), mais en tenant compte de leurs marges de manœuvre budgétaires respectives. Un degré plus marqué de péréquation devrait donc être introduit dans la répartition de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre catégories de collectivités et entre collectivités d'une même catégorie.En particulier, il devrait être tenu compte du fait que le « bloc communal » dispose de ressources fiscales globalement plus dynamiques que les départements et les régions. Il présente des possibilités d'économies sur les dépenses de fonctionnement si des mesures de mutualisation et d'intégration accrue de ses structures sont mises en œuvre.Parallèlement, il conviendrait de simplifier l'architecture des dotations de péréquation « verticale », qui n'ont globalement qu'une efficacité très limitée, notamment parce qu'elles font intervenir un nombre excessif de critères de ressources et de charges sans cohérence d'ensemble. Il est également souhaitable d'augmenter les montants des fonds de péréquation « horizontale » (entre collectivités de même niveau), tout en en réduisant le nombre.L'évolution de la structure financière des régions appelle d'importantes adaptationsLa structure financière des régions a fortement évolué depuis 2004. Leurs recettes sont devenues plus rigides et peu modulables en raison de la part plus importante prise par les dotations de l'État (41 %), au détriment de leurs ressources fiscales, et de la forte diminution de leur pouvoir de moduler les taux depuis la réforme de la fiscalité locale de 2010. Les situations sont différentes d'une région à l'autre mais leur équilibre financier est devenu structurellement plus difficile à atteindre.Celui-ci passe par un effort supplémentaire de maîtrise des finances publiques locales, et particulièrement par un recentrage de leurs interventions sur leurs compétences prioritaires. Parallèlement, dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de la République et du transfert de nouvelles compétences aux régions, la structure de leurs ressources devra être adaptée en y introduisant une part plus importante de ressources fiscales.La rationalisation du bloc communal est nécessaireLa maîtrise des finances publiques locales appelle un effort important de rationalisation administrative et financière du « bloc communal ». La  carte des intercommunalités recouvre désormais la totalité du territoire national. Cependant, son extension progressive depuis le début des années 1990 s'est traduite par la superposition et l'enchevêtrement des structures, un accroissement excessif des effectifs et une progression rapide des dépenses.Il convient de regrouper les établissements publics intercommunaux (EPCI) de faible taille et de réduire fortement le nombre de syndicats communaux ou intercommunaux et de syndicats mixtes. Par ailleurs, les EPCI doivent se voir attribuer des champs entiers d'intervention (la totalité des actions de développement économique, par exemple) et non plus des attributions parcellaires, partagées avec les communes.À terme, la mise en place d'une DGF unique, attribuée par l'État aux groupements intercommunaux qui la répartiraient entre leurs communes membres, favoriserait la plus grande intégration du « bloc communal » et permettrait d'améliorer l'efficacité de l'action publique à un moindre coût.Les 15 recommandations de la Cour des comptes pour améliorer les finances publiques locales

1. Adopter des modalités de répartition, entre catégories de collectivités (régions, départements, bloc communal), de la baisse des dotations de l'État qui prennent mieux en compte l'existence de marges de manœuvre plus importantes au sein du bloc communal 2. Répartir la baisse des dotations de l'État, au sein d'une même catégorie, dans une logique de péréquation, en tenant compte de  l'ensemble des ressources et des charges des collectivités 3. Adopter une loi de financement des collectivités territoriales retraçant l'ensemble de leurs relations financières avec l'État, fixant à titre prévisionnel des objectifs d'évolution des recettes, des dépenses, du solde et de la dette des différentes catégories de collectivités et comportant des dispositions prescriptives, notamment en matière de péréquation, de règles budgétaires et comptables et de contrôle 4. Poursuivre le regroupement des établissements publics de coopération intercommunale et la réduction du nombre des syndicats intercommunaux et des syndicats mixtes 5. Opérer les transferts de compétences des communes aux intercommunalités par champ entier d'intervention et non plus de façon parcellaire 6. Développer la mutualisation des services intercommunaux, prioritairement ceux des fonctions supports, au bénéfice des communes membres 7. Engager la stabilisation des dépenses de personnel du « bloc communal » par des réductions d'effectif, une pause des mesures de revalorisation indemnitaire, une meilleure maîtrise des déroulements de carrière et le respect de la durée légale du travail 8. Rendre obligatoire pour l'ensemble des groupements à fiscalité propre la conclusion d'un pacte de gouvernance financière et fiscale prenant en compte les différents dispositifs d'intégration, de solidarité et de péréquation au sein du « bloc communal » 9. Recentrer les interventions des régions sur leurs politiques publiques prioritaires 10. À champs de compétences inchangés, stabiliser les dépenses de personnel 11. En cas de regroupement des régions, veiller à ce que l'alignement des modes de gestion interne et des politiques publiques ne compromette pas la recherche des gains d'efficience 12. Allouer aux régions, à prélèvements obligatoires constants, une part plus importante de fiscalité, à l'occasion de la réforme de l'organisation territoriale 13. Revoir les dispositifs de péréquation « verticale » et « horizontale » afin d'en réduire le nombre et de les faire reposer sur un nombre limité d'indicateurs de richesse, procédant de logiques cohérentes d'évaluation des niveaux de ressources et de charges des collectivités et veiller à poursuivre la montée en puissance des dispositifs de péréquation « horizontale » 14. Corrélativement à la baisse des concours financiers de l'État, réformer la dotation générale de fonctionnement afin de lui conférer une dimension péréquatrice plus marquée 15. Dans le cadre de la réforme de la DGF, créer une DGF unique pour le « bloc communal », perçue par les intercommunalités, à charge pour elles de la répartir entre leurs communes-membres selon des critères qu'elles déterminent.